Le cimetière des humanités

Je n'aurais pas lu Le cimetière des humanités de Pierre-Luc Brisson si Normand Baillargeon n'avait inscrit ce livre à la liste de ceux qu'il faut lire lorsqu'on s'intéresse à l'éducation. J'avais apprécié Après le printemps de ce jeune auteur, une analyse sociocritique du Printemps érable. Son plus récent essai se présente comme "un plaidoyer en faveur de l'importance de revenir aux racines de notre civilisation et de continuer à les arroser afin qu'elles nourrissent notre vie en société" (p. 19) (Brisson est diplômé en histoire et en études classiques). Notre système d'éducation, assujetti aux impératifs économiques, "a petit à petit mené l'école, jadis lieu d'élévation de l'esprit des futurs citoyens, à se transformer en centre de formation professionnelle de main-d'oeuvre qualifiée"(p. 18). "L'école ne devrait pas être un gigantesque centre technique d'acquisition d'outils, mais bien une institution égalisatrice qui doit porter un programme politique et civilisateur" (p. 55).

Bien que je sois d'accord avec bon nombre de ses affirmations, Brisson utilise plusieurs raccourcis intellectuels pour plaider son point de vue, nostalgique d'un cours classique qu'il n'a pas connu et qui était loin de représenter un "âge d'or". D'ailleurs, l'école québécoise n'a jamais été un "lieu d'élévation de l'esprit des futurs citoyens". J'ai aussi vu en Afrique un système d'éducation entièrement déconnecté du marché de l'emploi et un érudit, maîtrisant parfaitement les classiques, envier le sort de son frère menuisier qui, lui, parvenait à nourrir sa famille.

Brisson déconsidère aussi la formation des maîtres telle qu'elle se pratique au Québec. Il n'a pas tort lorsqu'il affirme que "l'enseignement devient indépendant du contenu enseigné" (p. 36), mais faire cette démonstration en affirmant que seulement 33 crédits sont consacrés à l'acquisition de connaissances historiques dans un programme qui en compte 120 est encore là réducteur. Je ne crois pas que les enseignants en univers social seraient plus compétents s'ils avaient plutôt une formation de 90 crédits constituée de cours de contenu. Un plus juste équilibre entre contenu et dynamiques d'apprentissage est certes souhaitable, la maîtrise qualifiante peut aussi être une option, mais il n'y a pas de relation causale aussi automatique.

Les nouveaux enseignants doivent être cultivés, cela est indéniable. C'est d'ailleurs la première compétence qui est attendue: "agir en tant que professionnelle ou professionnel héritier, critique et interprète d'objets de savoir ou de culture dans l'exercice de ses fonctions". Tout est question de motivation, de volonté à développer les compétences requises et à acquérir les connaissances nécessaires pour embrasser une profession qui tarde à être valorisée comme elle le mériterait.

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